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19 mai 2018 6 19 /05 /mai /2018 06:30

 

Le mercredi 16 mai 2018 j’ai été zappé à la librairie Ombres Blanches à Toulouse lors de la présentation de mon dernier livre « les nouvelles hétérosexualités », hétéroqueers, candaulisme, polyamour, libertinage, exhibe, asexualité, pansexualité, Hétéronorme, BDSM, non-genre, bi-genre, cis-genre, bisexualités, travestis, aromantisme,  publié aux éditions Eres (collection sexualités et sociétés).

 

Certes, la période politique marquée par l’autisme du pouvoir face aux revendications des mouvements sociaux est particulière. Nous vivons la grève et le blocage de l’Université Jean-Jaurès le Mirail depuis 4 mois contre la fusion des universités toulousaines et la loi ORE instaurant une sélection à l’entrée des universités, ainsi que l’évacuation de cette université par la police dans la nuit du 8 au 9 mai. Sans même parler ici des autres conflits sociaux : SNCF, EHPAD… et luttes contre les politiques migratoires et la loi asile/migration dans lesquelles je suis investi.

 

Mais cette période agitée, favorable à la (re)naissance de divers extrémistes n’explique pas tout.

Pourquoi de jeunes militant-e-s, sans me connaître, reproduisent-elles/ils rumeurs et calomnies ?

« C’est un hétéro blanc qui se pense progressiste et qui ne l’est pas du tout » a sorti une jeune femme à un ami pour justifier leur irruption dans la librairie.

 

Les accusations qui me sont opposées sont connues. Elles apparaissent et réapparaissent chaque fois liés à des enjeux de postes universitaires : lors de l’obtention de mon poste de professeur de sociologie en « études genre »en 2002 les réseaux féministes m’ont accusé de harcèlement contre des étudiantes et de méthodes déontologiquement condamnables. J’ai porté plainte en diffamation et les divers tribunaux (Tribunal correctionnel et Tribunal administratif) ont reconnu cette diffamation tout en accordant la « bonne foi » à mes détractrices. Ces faits sont réapparus en 2015 lorsque, Directeur du département de sociologie, je dirigeais une commission chargée de recruter un-e Maître de Conférences spécialiste du genre ; commission qui s’apprêtait vraisemblablement à recruter un homme cis-genre qui postulait. Puis, en 2017 lors de mon départ à la retraite et ma demande d’éméritat.

Aux faits de 2002, pour prouver la poursuite de mes « comportements fautifs » se sont ajoutées la présentation d’un sex-toy lors d’un cours en amphithéâtre, ce qui est vrai[1] et de prétendues insultes à une étudiante dont j’aurais critiqué son hétérosexualité. En fait j’ai critiqué l’hétéronormativité d’un mémoire méprisant sur les lesbiennes.

 

On peut invoquer l’affaire Weinstein les mouvements #metoo, et leurs lots de conséquences. Libération des paroles et/ou délation : les débats sont ouverts. Mais, et c’est un bienfait, ces mouvements signent la prise de conscience des effets de la domination masculine que, pour ma part je dénonce dans mes écrits sur le viol, les hommes violents, l’homophobie, etc. depuis 1988. Dénonciations qui m’ont valu différents tracas plus ou moins graves dans ma carrière universitaire ; y compris d’ailleurs mon éviction de l’université de Lyon alors que j’y étais vacataire. Mais ce n’est pas le propos de ce texte.

Quel est donc le sens de ce zap ? Pourquoi ne pas me laisser débattre ?

Que l’on me permettre, comme sociologue, d’émettre d’autres hypothèses.

 

Mes écrits, et les 27 ouvrages que j’ai écrits ou coordonnés en témoignent, abordent différents thèmes aujourd’hui problématiques : les hommes et le masculin, les sexualités récréatives et le travail du sexe, les sexualités non hétéronormatives. Chaque fois, à travers des enquêtes de terrain, j’ai essayé de comprendre les évolutions des rapports de domination du point de vue des dominants. Des hommes par rapport aux femmes, des hétéros par rapport aux LGBT, etc.

Chaque fois aussi, j’ai essayé de contribuer à des analyses permettant de dépasser les oppositions et violences créées par les rapports sociaux de domination pour essayer d’analyser les « nouvelles » pratiques : les « changements » des hommes, et ici dans mon dernier livre, les essais de dépasser l’hétéronormativité et l’assignation à un genre fixe et définitif pour les personnes que l’on nomme « hétéros ».

 

Changements masculins et dépassement de la domination masculine par effacement (ou extrême fluidité) des catégories de genre (être homme ou être femme) sont des thèmes qu’il ne fait pas bon de porter aujourd’hui dans certains espaces de la société.

 

Comme si débattre des paroles et pratiques d’hommes qui essaient autant que faire se peut de dépasser l’éducation à la virilité obligatoire (et de la violence sexiste et homophobe qui y est associée) empêchaient les femmes d’exprimer leurs colères.

Comme si la seule posture tolérée était ce que certains hommes font : revendiquer de ne pas être des hommes (cf. les écrits de Stoltenberg), mais seulement servir d’appuis aux « femmes féministes ».

C’est la même logique que l’on a retrouvée dans les refus de financements des centres pour hommes violents comme celui que nous avions monté à Lyon il y a 25 ans.

 

Remarquons qu’à aucun moment il ne m’a été opposé un extrait de mes articles ou de mes livres pour prouver que mes pensées étaient antagoniques aux luttes contre la domination masculine, l’égalité hommes/femmes…

 

Nous sommes entré-e-s dans une période essentialiste où les hommes, les mâles, quelles que soient leurs postures sur la domination masculine doivent se taire.

Une période trouble où, pour certaines personnes, les travaux sur les hommes et le masculin et les chercheur-e-s qui les réalisent seraient forcément réactionnaires, « masculinistes ».

Une période inquiétante pour la démocratie où, des segments d’un mouvement social, veulent interdire à certaines personnes, certaines idées, de s’exprimer. Voire ces mêmes segments, en manipulant rumeurs et fake news veulent imposer les définitions de la recherche aux instances scientifiques élues collégialement par les universitaires.

 

Voilà le sens que je mets dans les mouvements qui se sont exprimés pour m’interdire de m’exprimer.

La liberté d’expression ne se divise pas.

 

Toulouse, le 17 mai 2018

Daniel Welzer-Lang,

dwl@univ-tlse2.fr

 

[1] Je le fais depuis une vingtaine d’année. Ceci montre la pertinence des analyses de Bruno Latour sur les « objets actants ».

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19 mai 2018 6 19 /05 /mai /2018 06:23

 

https://www.editions-eres.com/uploads/img300dpi/2018022114499782749257914.jpg

 

 

Après les interrogations produites par les mouvements LGBTI, les personnes qui se pensaient « normales » se sont découvertes « hétérosexuelles » dans les années 1990. Aujourd’hui, de nombreux et nombreuses hétéros interrogent tout à la fois les identités sexuelles (les bisexualités, l’asexualité, le libertinage, le triolisme, le candaulisme, le bdsm…), les identités de genre (cisgenre, bigenre, non-genre, genre fluide, travesti, hétéroqueer…) et les dispositions sexuelles comme le polyamour qui tendent à dépasser la prison du couple homme/femme traditionnel.       
Ce livre fait le point sur ces termes qui sont tout à la fois des notions, des concepts et/ou des identités socio-sexuelles. Qu’elles concernent le genre et/ou les sexualités, elles ont en commun d’essayer de se distinguer de l’hétéronorme qui devient aujourd’hui un corset trop étroit pour de nombreuses personnes.

 

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25 juillet 2016 1 25 /07 /juillet /2016 14:25

Deux événements à l’université Toulouse Jean-Jaurès (Le Mirail)

(entrée libre)

10Juin 2016 - Rencontres avec les polyamoureux, les cafés sexo, le cabinet de curiosité féminine

Quelles sexualités vit-on aujourd'hui en dehors de l'hétéronorme ?

14 juin : Journée d’étude : « Voir, montrer, regarder L’exhibition De Courbet au net » qui aura lieu à l’Université Le-Mirail (UTJJ).
14JUN L'exhibe : de Courbet au Net

10 juin : Détails

Rencontre publique : "Quelles sexualités vit-on aujourd'hui en dehors de l'hétéronorme?"

Nous vous proposons de nous retrouver pour échanger ensemble sur les nouvelles formes de sexualités, et les nouvelles manières de se définir en dehors de l'hétéronorme, en partenariat avec les groupes toulousains qui existent déjà depuis plusieurs années : cafés sexo, cafés polyamour, Cabinet de Curiosité Féminine (https://www.facebook.com/CabinetdeCuriositeFeminine/?fref=ts), groupes amiez.org

Plusieurs débats seront organisés simultanément, et pour clôturer cette rencontre une auberge espagnole (nous nous chargeons des boissons) réunira ceux et celles qui le souhaitent après 20 heures.

Cette rencontre s'inscrit dans le cadre de la journée d’étude universitaire du 14 juin : « Voir, montrer, regarder L’exhibition De Courbet au net » qui aura lieu à l’Université Le-Mirail (UTJJ).

(https://www.facebook.com/events/1531846590457727/),

En lien avec le séminaire les « sites de drague et/ou de rencontre » du Labex-Cnrs.

Il est également accolé avec l’exposition Vasitas ? de Natacha Mercier à la Fabrique (https://www.facebook.com/events/198540673866109/),

et a pour objectif d'associer les "expert-e-s profanes" que vous êtes tou/te/s !

Nous vous espérons nombreuses/x ! Université Toulouse – Jean Jaurès
5 Allées Antonio Machado 31100 Toulouse
Tel. 05 61 50 44 62
Accès: Métro Ligne A, arrêt Mirail Université

Détails 14 juin

De plus en plus de sites sur le net proposent aux personnes connectées (hommes, femmes, couples, trans…) de se montrer, s’exhiber dans des postures considérées comme érotiques. Ces pratiques, parfois revendiquées, parfois secrètes, interrogent les frontières de l’intime, les relations médiatisées par le net, la place du regard dans le désir. En quoi ces postures de nudité exhibées sont-elles nouvelles ? Quels rapports entre l’exhibe et l’hétéronormativité contestée par les mouvements sociaux dont les polyamoureux apparu-e-s récemment ? En quoi se différencient-elles d’autres expressions artistiques considérées parfois provocatrices comme « L’origine du Monde » de Courbet ? Pour en discuter nous organisons une journée d’étude le 14 juin 2016 où interviendront sociologues, philosophes, artistes et responsables associatifs…

Journée d’étude en lien avec l’exposition Vasistas ? de Natacha Mercier organisée par le Département Sociologie et Anthropologie dans le cadre du séminaire « Les sites de rencontre » du Labex SMS « Les mondes sociaux » / Lisst-Cers/CNRS

Mardi 14 juin de 9h à 18h, La Fabrique - La Scène

Voir, montrer, regarder

L’exhibition De Courbet au net…

14 juin 2016, de 9 à 17 heures

Journée dirigée par Daniel Welzer-Lang

En collaboration avec Jessica Soler-Benonie, Laurence Berdot-Talmier

9 heures Mot de bienvenue :

Jerôme Carrié, Commissaire de l’exposition de Natacha Mercier (CIAM)

9h 15 : Morale, Exhibitionisme et hétéronorme

9h 15 : Laurence Berdot-Talmier, Psychologue, doctorante

Les enfants et la Pornographie sur le net : quels sont les dangers annoncés ?

9h40: Jessica Sollers (doctorante LISST-CERS), Bertille Rodicq et Olivier Lamothe (Master MISS, Médiation, Intervention Sociale, Solidarité)

Regards sociologiques sur le polyamour et autres formes d’échappées de l’hétéronorme

10 h: Capucine Moreau, sexologue, Cabinet de curiosité féminine

Hétéronormativité et paroles des expert-e-s profanes

Pause

11 heures Jérémie Garrigues, Sociologue, Omnivorisme sur les marchés numériques de l'exhib : études quantitatives

11h20 Daniel Welzer-Lang, Sociologue, L’exhibe, une nouvelle forme de sexualité ?

Discussions

14 heures : Art, érotisme et exhibe

14 h : Martine Azam, Sociologue, Natacha Detré, docteure en arts, enseignante à l’isdaT LLA-CREATIS, UT2J, : la censure dans l’art

14h20 : Ana Samardžija Scrivener, enseigne la philosophie à l'Institut supérieur des arts de Toulouse. De la contemplation au choc : la techno-érotisation dans les arts du début du XXe siècle.

15h Natacha Mercier, Artiste, Hevel : invisibiliser le sur-visible ou visibiliser l’invisible

15 h 30 Thierry Savatier : Du poil de la Bête... Historien de l’art

>Discussions et débats avec la salle

Visite de l’exposition

Pot de l’amitié

CIAM La Fabrique
Université Toulouse – Jean Jaurès
5 Allées Antonio Machado 31100 Toulouse
Tel. 05 61 50 44 62
Accès: Métro Ligne A, arrêt Mirail Université
Ouvert du Lundi au Vendredi de 10h à 17h

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 10:17

Les contrôles au faciès, un obstacle à l’unité nationale contre le terrorisme

Daniel Welzer-Lang, dwl@univ-tlse2.fr, LISST-CERS Cnrs

Ce texte a été écrit avant la veille des attentats de Paris. A une époque où on entend le Premier Ministre dire que toute explication des sociologues vaut excuse, il est encore d’actualité.

Le constat des sociologues est sévère : en pratiquant les « contrôles au faciès », la Police et l’Etat qui ordonnent ou cautionnent ces contrôles, organisent un rejet de la Police par les jeunes hommes contrôlés et leurs entourages. Rejet de la Police qui, de fait, nuit à l’unité nationale contre les attaques terroristes dont nous sommes actuellement victimes.

C’est le constat mené par des sociologues de l’Université Toulouse Jean-Jaurès (Le Mirail) au même moment où se sont déroulés les attentats meurtriers organisés par DAESH à Paris.

Dans le cadre de l’exposition « Egalité Trahie, l'impact des contrôles au faciès » proposée par l’ « Open Society Justice Initiative » et l’association Tactikollectif[1], neuf étudiant-e-s et un Professeur en Master de sociologie de Toulouse[2] ont voulu comprendre les effets des « contrôles au faciès » sur la population des Izards, un quartier populaire de Toulouse. Pour ce faire, ils/elles ont questionné les personnes qui approchaient l’exposition les 12 et 13 novembre 2015.

Confirmant les résultats du travail de recherche dirigé par Fabien Jobard et René Lévy (CNRS-CESDIP) à Paris dans différents lieux[3], les entretiens réalisés à Toulouse montrent que ces contrôlent provoquent des réactions globales de rejets de la Police par les hommes contrôlés. Mais plus encore, les entretiens montrent l’effet systémique de ces contrôles sur les familles des jeunes de couleur contrôlés (noirs et maghrébins). Pères, mères, grands frères et grandes sœurs, voisins et amis (quelle que soit leur couleur et leurs origines) se sentent aussi collectivement agressé-e-s par ces contrôles et, de fait, rejettent la Police accusée de ne pas respecter les règles républicaines.

Les jeunes hommes contrôlés, et leurs proches, ont l’impression de ne pas être considérés comme des citoyen-ne-s comme les autres, de ne pas appartenir à la communauté nationale.

« Mon fils habitait avec un colocataire maghrébin et souvent quand ils sortaient en ville la B.A.C. (Brigade Anti Criminalité) contrôlait M. mais pas mon fils, ils contrôlaient le maghrébin mais ils ne contrôlaient pas le français, enfin le blanc. Ça le mettait dans une colère terrible, une injustice ».

Femme, 50 ans, blanche

En rejetant les jeunes de couleur contrôlés du côté du non-droit, en refusant les récépissés de contrôles qui pourraient ou non confirmer le bien fondé de leurs plaintes sur le systématisme de ces contrôles, l’Etat envoie un message paradoxal et contradictoire avec la mobilisation collective nécessaire contre le terrorisme. On en a vu les premières conséquences en janvier 2015 après les attentats contre Charlie Hebdo et le supermarché casher et les refus de certaines personnes des quartiers populaires de soutenir l’extraordinaire mobilisation que cela a provoqué.

Les entretiens montrent aussi comment ces contrôles au faciès sont des histoires d’hommes, ressentis comme tels par les garçons contrôlés.

En cautionnant les affrontements de virilité que représentent souvent les hommes en armes qui contrôlent des hommes de couleur désignés à l’avance comme potentiellement dangereux, l’Etat risque de favoriser des réactions virilistes dont les derniers attentats sont, d’après les témoignages, un exemple flagrant. Cet aspect de l’analyse est trop souvent négligé dans les commentaires sur les événements dramatiques que nous vivons aujourd’hui.

Au moment où, suite aux attentats récents de vendredi dernier, l’Etat décrète l’Etat d’Urgence et demande une unité nationale contre le terrorisme, il est temps, largement temps, que les contrôles d’identité ne provoquent pas de nouvelles divisions ou des affrontements entre personnes qui vivent en France.

Daniel Welzer-Lang,

Professeur de sociologie

Parmi les dernières publications : « Nous, les mecs », Paris, éditions Payot.

[1] [http://www.tactikollectif.org/item/247-exposition-l-egalit%C3%A9-trahie]

Voir en bas de texte la présentation de l’exposition.

[2] Il s’agit du master MISS (Médiation, Intervention sociale, Solidarité) de l’Université Toulouse Jean-Jaurès Le Mirail.

[3] Fabien Jobard, René Lévy à Beaubourg et al., Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris, 2009, New York, Open Society Institute.

D’après les chercheur-e-s :

« L’étude a confirmé que les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être. Les résultats montrent que les personnes perçues comme « Noires » (d’origine subsaharienne ou antillaise) et les personnes perçues comme « Arabes » (originaires du Maghreb ou du Machrek) ont été contrôlées de manière disproportionnée par rapport aux personnes perçues comme « Blanches ». Selon les sites d’observation, les Noirs couraient entre 3,3 et 11,5 fois plus de risques que les Blancs d’être contrôlés au regard de la part de ces deux groupes dans la population disponible à être contrôlée par la police (ou la douane). Les Arabes ont été généralement plus de sept fois plus susceptibles que les Blancs d’être.

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 09:09

On trouvera le texte complet à =

http://blogs.univ-tlse2.fr/dwl/files/2013/01/Cours-genre.-DWL.-2012.pdf

Université Toulouse Le Mirail

© Daniel WELZER-LANG

dwl@univ-tlse2.fr

Version 2011

blog : http://daniel.w

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5 juin 2015 5 05 /06 /juin /2015 04:29

Ce texte complète mon premier communiqué : « Je suis innocent et présumé tel ! »

Toulouse, mai 2015, un concours de Maître de Conférence

En mai 2015, à Toulouse, le concours de sélection pour recruter un MCF sur un poste fléché « inégalités, discriminations et genre» a été annulé suite à ma démission de mon poste de Président du comité. Cette démission fait suite à un ensemble de pratiques indignes et scandaleuses qui ont émaillé la procédure :

  • pressions pour qu’un candidat précis soit retenu,
  • menaces sur la carrière ultérieure des membres du comité pour les sommer de démissionner,
  • pressions sur les candidat-e-s pour qu’ils/elles démissionnent du concours,
  • harcèlement par mail des membres du comité,
  • et enfin, pétition sur internet où un courant particulier des études féministes déforme des décisions juridiques sur des faits de plus de dix ans pour s’arroger le droit d’imposer ses propres candidat-e-s pour un poste fléché en partie genre.

Une épreuve personnelle : « Je ne suis pas un héros »

Pas facile d’être lâché à la vindicte publique,

Sans doute d’autres, hommes ou femmes politiques, artistes, « peoples »… ont l’habitude et réussissent à se forger une carapace face à ces procédés. N’empêche, dans cette forme de communication, il y a quelque chose qui rappelle la mise à mort, faite par des gens, qui sans doute honnêtement et pour la plupart, se déclarent contre la peine de mort dans les enquêtes d’opinion.

En tout cas, il m’aura fallu un certain temps pour mettre à l’écart, du moins pour partie, ma subjectivité ; et ici le dégoût et la colère face aux stratégies et procédés autoritaires utilisés[1].

Des pratiques troublantes et indignes

La démocratie universitaire, d’autant plus après la réforme LRU contre laquelle nous nous sommes largement mobilisé-e-s en 2007-2008, est imparfaite. N’empêche… elle existe. Ce sont les laboratoires de recherche en concertation avec la Présidence des Universités, la discussion entre pairs qui aboutissent à proposer un Président de Comité de sélection et les membres de ce comité. Le comité est, paritaire entre hommes et femmes, entre Professeur-e-s (ou assimilé-e-s) et Maîtres de Conférences, entre personnes appartenant à l’Université recrutante et extérieur-e-s. Deux rapporteurs de chaque comité étudient chaque dossier puis classent les personnes à entendre. Le comité a reçu 130 dossiers et proposé une dizaine de candidat-e-s à l’audition.

Croire que tout est joué d’avance comme l’ont prétendu certain-e-s est infantile, d’autant plus dans une grande Université comme Toulouse. Nous avons sélectionné dix dossiers car c’était les meilleurs.

C’est dans ce contexte que des pressions inadmissibles se sont déroulées : menaces sur certain-e-s collègues Maîtres de conférence de ne jamais pouvoir devenir professeur-e, de ne jamais être qualifié-e-s par le CNU[2] ; appels téléphoniques insistants et menaçants à certain-e-s collègues pour orienter le choix vers un candidat particulier, mails répétitifs pour les obliger à démissionner (y compris pendant la 1ère réunion du comité), rumeur que le poste serait affecté à telle ou telle personne au mépris du débat collectif, pétition falsifiant les faits et les décisions juridiques pour inciter de nombreuses personnes appartenant aux études genre à signer …

Ce ne sont pas des méthodes démocratiques entre universitaires mais cela relève de méthodes totalitaires, indignes, méprisantes pour les candidat-e-s qui ont dû s’organiser pour venir à l’audition, la préparer, indignes et méprisantes aussi pour les membres du Comité qui ont fourni un énorme travail de préparation et dont la probité est remise en cause.

Réinterprétation des faits et « bonne foi »

A la suite de mon élection en 2002 sur un poste de Professeur de sociologie fléché sur le genre, des pressions ont été exercées sur le Président de l’Université de l’époque et le Ministre de l’Education Nationale pour que soit refusée ma nomination. Un texte signé par des associations féministes invoquait des faits graves de harcèlement sexuel et de méthodologies non-déontologiques sur mes terrains de recherche.

Après avis des membres du comité de sélection (où, je l’ai appris par la suite, j’ai été élu à une très large majorité), du Président de l’Université de l’époque et de différentes instances, ma nomination a été maintenue.

Dans la mesure où aucune plainte n’était portée officiellement contre moi, mais que de telles accusations se transformaient en rumeurs, toutes plus affreuses les unes que des autres, j’ai décidé, après conseil auprès de mes ami-e-s et de mes paires, de porter plainte moi-même en diffamation pour faire cesser de tels bruits.

Un juge d’instruction a été nommé. Après audition des parties, l’affaire a été renvoyée au Tribunal Correctionnel et 8 personnes ont été inculpées de diffamation envers un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions.

Le jugement final relaxe 6 personnes pour vices de forme dans les citations au Tribunal et les autres pour « bonne foi ».

Constatant la diffamation, d’ailleurs reconnue par les accusées elles-mêmes dans les conclusions qu’ont versées leurs avocat-e-s, le Tribunal a reconnu que ces diffamations avaient été faites de « bonne foi », c’est-à-dire sans intention malveillante de nuire. En matière de diffamation la « bonne foi » repose essentiellement sur l'absence d'animosité personnelle et l'enquête sérieuse à laquelle les accusateurs peuvent se prévaloir de s'être livrés, mais est radicalement distincte de l'exception de vérité qui supposerait que leurs accusations soient démontrées.

Suite à cette procédure, et puisque la calomnie était reconnue, j’ai alors demandé le remboursement de mes frais d’avocat, d’huissier… à mon Université. Le Président de l’époque qui avait changé entre temps, a refusé ces remboursements. Les raisons sont sans doute multiples. Qu’importe, fort du jugement en diffamation, j’ai moi-même fait appel au Tribunal Administratif pour faire reconnaître mes droits.

En 2011 (oui, la justice est lente !), le T.A a reconnu le bien-fondé de ma demande et l’Université a été condamnée à me rembourser 5 566,59 euros correspondant aux frais engagés et 1200 euros de dommage et intérêts (article L. 761-1 du code de justice administrative) [dossier 0801197] ;

Je n’ai donc jamais été débouté dans mes demandes de faire reconnaître les calomnies dont j’ai été victime! Dire le contraire est de la désinformation.

Des questions légitimes

Dans l’ensemble des critiques évoquées lors de ce recrutement, certaines pourraient être légitimes. Il en va ainsi pour l’équité de traitement, ne pas léser un-e candidat-e qui pourrait être sanctionné-e pour un conflit d’intérêt avec un-e membre du comité. Ce qui a été évoqué l’avant-veille de la réunion du comité de sélection de Toulouse.

Sans être naïf sur les influences des réseaux (réseaux affectifs, réseaux de recherches, réseaux familiaux et de classes sociales…), l’équité de traitement est indispensable dans un concours, et plus loin dans une démocratie universitaire qui fonctionne au mérite.

Nul ne doit être pénalisé pour ses idées, ses luttes…

Mais, faut-il écarter des jurys, des comités de sélection toutes les personnes sur lesquel-les un candidat ou une candidate exprime des griefs ?

Nos carrières d’enseignants-chercheurs sont faites d’une suite ininterrompue de désaccords, de critiques, de rumeurs, de désamours entre nous et les étudiant-e-s qui pour certain-e-s deviennent des collègues. Parfois existent des conflits dans les proximités que nous vivons dans les laboratoires et terrains de recherche, dans les cours que nous partageons avec nos collègues vacataires et étudiant-e-s gradué-e-s. Avec ceux et celles avec qui nous militons contre toutes les formes de dominations pour une société plus juste et solidaire. Parfois les proximités militantes peuvent être instrumentalisées. Par l’étudiant-e lui-même ou elle-même ou par les réseaux auxquels il ou elle adhère par la suite de sa carrière.

Comment doser ce qui est important ou non ? Le déclaratif est-il forcément vérité ? Quel-le universitaire n’a jamais vécu des critiques qu’il ou elle juge infondées ?

Dans la procédure de Toulouse qui a visé à faire dissoudre le comité de sélection du poste MCF orienté en partie sur le genre, l’argument principal utilisé contre la commission était que des candidat-e-s… ont été cité-e-s dans les procédures qui ont suivi mon élection comme professeur.

Là-encore la seule barrière contre tous les excès est la loi, son application, sa rigueur.

Les faits invoqués sont-ils graves ? Sont-ils délictueux ? Condamnables ? Ont-ils été présentés en Justice ? Bien au contraire, ils ont été reconnus comme diffamatoires suite à une procédure que j’ai moi-même engagé !

Et la liste des étudiant-e-s retenu-e-s pour l’audition l’atteste : personne n’a été discriminé-e. Dire le contraire est encore une déformation de la vérité au profit d’intérêts partisans.

Une longue carrière dans les études genre à étudier les mauvais « objets » : les hommes, le masculin et les sexualités non hétéronormatives

Depuis le début de mes études, de mes travaux sur le viol, la thèse sur les hommes violents, à maintenant, j’ai toujours essayé de travailler sur les rapports sociaux de sexe et de genre. En 25 années et autant d’ouvrages[3], j’ai mené de nombreuses études où j’essaie de comprendre les effets des socialisations hétéronormatives, de la domination masculine, dans les constructions sociales des dominants, en particulier les hommes blancs et hétérosexuels ; ou ses effets sur les dominé-e-s. Mes travaux ont été autant d’occasion de réfléchir et de créer des relations d’altérité avec les hommes violents, les prostitué-e-s, les détenu-e-s, les libertin-e-s, les bisexuel-le-s, les escortes…Y compris parfois de les faire intervenir à l’Université.

Dans les réactions à mes travaux, j’ai souvent ressenti que mes « objets » sociologiques, mes thèmes de recherche, mes méthodes qualitatives (ethnographie et observation participante) posaient problème à de nombreux et nombreuses entrepreneurs de morale,— y compris sociologues, qui manipulent le concept de violences pour victimiser toutes les femmes, toutes et tous les dominé-e-s.

Il y a souvent assimilation d’un-e chercheur-e avec ses thèmes d’étude. En particulier face à ce qui est ressenti comme sulfureux, sale, scandaleux, non-moral…

A tort ou à raison (à quand un colloque sur les objets hétérodoxes et scandaleux ?), et sans vouloir tout réduire à des réactions d’une gauche morale et victimologique, je lis aussi ceci dans les réactions actuelles.

Repenser le profilage du poste

Le contexte actuel, la pénurie de postes de MCF en sociologie et ce d’autant plus en études genre, explique sans doute pour partie la violence des échanges. Mais, de mon point de vue, il serait trop facile de banaliser ce qui vient de se passer en retournant purement et simplement l’accusation ou en ne trouvant que des causes extérieures.

Sans doute, devrons-nous dans le laboratoire recherche qui accueillera le poste de MCF à pourvoir, comme dans le département de sociologie, tirer des bilans des faits.

Sans doute avons-nous fait des erreurs pour provoquer un tel déferlement de haine.

Sans doute avons-nous sous-estimé le poids institutionnel, le pouvoir de nuisance de celles et ceux qui veulent imposer leur hégémonie sur l’appellation « genre ».

En dehors des dogmes lancés par certain-e-s, il devient difficile de faire exister d’autres analyses sur le genre, d’innover dans les articulations entre genre et « ethnicité » post-coloniale, genre et migrations internationales, genre et classes sociales, genre et culture, genre et NTIC, pratiques de luttes sociales. Genre et sexualités. Peu importe comme nous le faisons, de construire des enseignements y compris des masters sur de tels thèmes. Le profil genre nous est contesté.

Dont acte !

Toulouse, le 4 juin 2015

[1] Je remercie ici les membres du Comité avec qui nous avons eu de longs échanges, mes collègues et ami-e-s pour leur confiance dans cet emballement et toutes les formes de soutien exprimées. Je remercie aussi l’équipe Présidentielle de l’Université Toulouse Jean-Jaurès (Le Mirail) et les services de la Direction du Personnel Enseignant (DPE) pour leur chaleureux accompagnement au plus près du Droit.

[2] le Conseil National des Universités « qualifie » certaines personnes ayant obtenu leur HDR (Habilitation à Diriger les Recherches) pour pouvoir se présenter aux concours de Professeur-e sur les postes déclarés vacants.

[3] http://w3.lisst.univ-tlse2.fr/cv/welzer-lang_daniel.htm

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Published by dwl
29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 11:06

Communiqué de Daniel Welzer-Lang

« Je suis innocent et présumé tel ! Je vous demande d'arrêter la calomnie, son instrumentalisation et le lynchage public.

Près de 13 années après les premières accusations de harcèlement sexuel à mon encontre et sans que mes accusatrices n'aient jamais cru devoir déposer une plainte en bonne et due forme et permettre un débat judiciaire transparent, je fais à nouveau l'objet d'une campagne d'accusations publiques qui me révulse.

J'ai été contraint au mois de mai 2015 de démissionner de mon poste de président du comité de recrutement du poste de Maître de Conférences du poste « Inégalité discrimination et genre » en raison de pratiques indignes et de la diffusion sur Internet d'une pétition réitérant une nouvelle fois ces calomnies.

Je crois devoir rappeler que face à ce flot d'accusations, j’avais en juillet 2005 déposé une plainte en diffamation. Un juge d’instruction a été nommé. Après audition des parties, l’affaire a été renvoyée au Tribunal Correctionnel et 8 personnes ont été inculpées de diffamation envers un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions.

Dans son jugement du 30 mai 2007 le tribunal correctionnel de Toulouse avait relaxé six des personnes poursuivies pour des raisons de forme et les deux autres en leur accordant le bénéfice de la « bonne foi ».

Je rappelle que la « bonne foi » en matière de diffamation repose essentiellement sur l'absence d'animosité personnelle et l'enquête sérieuse à laquelle les accusateurs peuvent se prévaloir de s'être livrés, mais est radicalement distincte de l'exception de vérité qui supposerait que leurs accusations soient démontrées.

En sorte que la relaxe des personnes que j'avais poursuivies ne saurait en aucun cas être interprétée comme la démonstration de la vérité de leurs accusations et que, si je peux prétendre avoir droit comme n'importe quel citoyen à la présomption d'innocence, je reste et demeure présumé innocent des faits dont on m'accuse depuis 13 ans. C’est d’ailleurs pour ces raisons que le Tribunal Administratif, en 2011, a obligé l’Université Toulouse-Le Mirail (aujourd’hui Jean-Jaurès) à me rembourser les frais de procédure et à me verser des dommages et intérêts.

Si ces faits n'étaient pas aujourd'hui prescrits, j'aurais volontiers demandé à mes accusatrices de déposer enfin pour la première fois une plainte en bonne et due forme, afin qu'un débat judiciaire clair et transparent puisse avoir lieu, tant cette campagne d'insultes publiques m’est aujourd'hui devenue absolument insupportable.

Je demande à l'ensemble de mes collègues attaché-e-s aux valeurs démocratiques - et je sais que c'est l'immense majorité d'entre eux/elles - d'en rester à cette évidence et de ne pas donner crédit ni de se laisser entraîner dans une campagne parfaitement contraire aux valeurs démocratiques et de libertés qui sont les nôtres et profondément destructrice sur un plan humain.

J'ajoute que, quel que soit ma lassitude, je ne peux à l'évidence laisser encore perdurer de tels agissements. S'ils devaient se poursuivre, je n'aurais d'autre choix que de poursuivre une nouvelle fois leurs auteur-e-s devant la justice. »

Un texte plus complet sera disponible sur mon blog d’ici quelques temps.

http://daniel.welzer-lang.over-blog.fr/

Daniel Welzer-Lang

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27 janvier 2015 2 27 /01 /janvier /2015 08:42

Contre tous les obscurantismes la véritable reponse la-manif pour tous

Tribune dans Têtu, janvier 2015

Suite aux attentats de Charlie Hebdo et Hyper Cacher, TÊTU invite internautes et personnalités à nous écrire pour mieux comprendre l’émotion et les événements de ces derniers jours en France, et à chercher avec nous le chemin du vivre ensemble.

Daniel WELZER-LANG,
Professeur de sociologie, Université Toulouse Le-Mirail (Jean Jaurès)

On m’avait gentiment demandé de faire un papier pour TÊTU sur les suites des meurtres perpétrés à Charlie Hebdo et dans le supermarché casher de Paris.

Dure période que nous venions de vivre. J’étais, comme beaucoup, atterré, anxieux. Accroché au fil de l’actualité avec une très grande difficulté à mettre des mots sur ce qui venait de se passer. Moi, juif, fils de survivant des camps, bisexuel et militant droit-de-l’hommiste, j’étais tout à la fois stupéfait de ce renouveau d’attentats à la liberté d’expression, et de la réaction de certain-e-s de mes ami-e-s qui semblaient faire la fine bouche avant de rejoindre ce qui semblait, dès le soir même de l’attentat contre Charlie, devenir une immense réaction spontanée, citoyenne et massive.

Aux sceptiques, j’avais publié cela sur les réseaux sociaux :

Certains et certaines de mes ami-e-s se trompent. Le sursaut républicain n’empêche pas Rémi Fraisse, les souvenirs douloureux des manifestations de décembre, de Toulouse, les gaspillages écologiques que provoquent les courses au profit, la montée de la misère… Les sceptiques, les éternels-tristes devraient relire Charlie hebdo, du moins ses meilleurs dessins et billets d’humeur et d’humour.

Dire non à la haine. Dire oui à la vie. Célébrer ensemble le lien social… est sans doute le meilleur moyen de s’opposer à la lepénisation des esprits…

Quelque chose est en train de se bâtir dans la rue. Profitons-en, jouissons-en…

Parfois, il faut savoir qui sont nos véritables ennemi-e-s.

Nous sommes tous et toutes Charlie.

J’en étais là quand la copine transgenre que j’héberge en moi, à la lecture de la presse du week-end, toujours aussi nombreuse à essayer de penser l’Après-Charlie, m’a suggéré l ‘idée suivante. Et si, aussi, les marches « Je suis Charlie » qui ont réunies plus de 4 millions de personnes constituaient la véritable réponse à la manif pour tous contre tous les obscurantismes ?

Nous étions 4 millions à dire notre joie de nous retrouver ensemble.

Nous étions 4 millions, mais nous étions aussi des gais, des bi, des trans, des putes et même des hétéros progressistes ; les mêmes qui commencent à remettre en cause l’hétéronormativité dans le libertinage (qui reprend son sens historique, au temps des Lumières quand les philosophes étaient qualifié-e-s de libertin-e-s) ou le polyamour.

Nous étions 4 millions contre l’obscurantisme.

Celui qu’a voulu nous imposer la manif pour tous en essayant de limiter nos libertés individuelles et intimes.

Moi, le mariage n’a jamais été ma tasse de thé. Mais que des gais et des lesbiennes veulent copier la modèle hétéro, affirmer leur normativité. Je respecte.

Et surtout, je respecte les choix de chacun-e sans les filtrer à travers mes valeurs. Que celles-ci soient religieuses ou philosophiques.

C’est aussi cela la laïcité.

La laïcité c’est le droit de caricaturer, le droit de se moquer.

C’est aussi refuser le diktat des religions et des religieux, bien sûr…

Se dégager de la gangue religieuse qui pollue encore nos vies… ; refuser l’envahissement du regard et du discours religieux dans les lits de chacun-e. Entre adultes consentants, on baise ou on fait l’amour comme on veut, quand on veut, avec qui on veut…

Refuser le diktat de ceux, celles qui veulent nous imposer leurs modèles de procréation et de parentalité.

J’ai été marqué par les regards chaleureux et ouverts lors des marches. Loin de ceux, haineux, de la manif contre tous les « anormaux » qui prétendent vivre autrement…

D’ailleurs les ayatollahs de différentes religions ne s’y sont pas trompés.

On nous a beaucoup parlé des mollahs de toutes sortes qui ont fait manifester leurs ouailles au nom d’Allah. Que des musulman-e-s puissent être troublé-e-s devant des caricatures de leur prophète peut paraître logique. Qu’ils appellent au meurtre est autre chose ! Les religions gardent toujours ce côté : soumettez-vous à (mon) Dieu ou mourrez ! L’antithèse de la laïcité.

On a moins glosé sur les réactions du pape François 1er qui, tout en condamnant les meurtres contre Charlie Hebdo, en apôtre du machisme, du virilisme homophobe les comprend :

« Il y a tant de gens qui parlent mal des autres religions, les tournent en dérision, font de la religion des autres un jouet. Ce sont des gens qui provoquent » (…) « Si un grand ami dit du mal de ma mère, il doit s’attendre à recevoir un coup de poing ! ». Puis il ajoute : « L’existence d’une « mentalité post-positiviste, qui porte à croire que les religions sont une sorte de sous-culture, qu’elles sont tolérées mais sont peu de chose. Cela est un héritage des Lumières ».

Oui, nous nous revendiquons des Lumières. Des principes républicains ! De la séparation totale des Églises et de l’État.

Mais le pari réel de « Je suis Charlie », cette extraordinaire mobilisation plurielle, est l’Après…

Un des moyens de continuer la lutte contre l’obscurantisme prôné par la plupart des apôtres est de poursuivre la laïcisation de notre société, développer liberté et égalité entre tous et toutes.

Faire de notre sexe et de notre genre une affaire privée et non plus une possession d’État. Affirmer haut et fort que les droits de la Personne à choisir son mode d’union, de procréation ou choisir son genre est fondamental.

Accepter de nouveaux modèles d’union et de pactes civils de solidarité qui dépasse le deux du couple naturalisé, le couple hétérocentré qui fleure bon les violences faites aux femmes et l’enfermement domestique de celles-ci.

Les chercheur-e-s et universitaires ont toute leur place dans cette dynamique. En particulier montrer les modes de vie non hétéronormatifs adoptés par de plus en plus de personnes, déconstruire les pseudo-évidences naturalisées sur le genre, le sexe, les sexualités et les religions.

Derniers ouvrages publiés par Daniel Welzer-Lang : Propos sur le sexe (Payot, 2014), La putain et le sociologue (La Musardine, 2014).

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22 octobre 2013 2 22 /10 /octobre /2013 05:52

 

Réponse à Caroline

(qui a accepté que je rende public ma réponse)

 

Oui, tu as raison et tu es bien informée, je suis devenu Directeur du département de sociologie et anthropologie de Toulouse,

Au sein d’une direction collective qui marche bien, qui marche même très bien. Cela est conforme à mes valeurs et, me semble t-il, favorable à notre mode d’administration  universitaire collégial. Bon, je sais que ce n’est pas toujours le cas…

 

« Le pouvoir a un rapport avec la virilité » dis-tu. Tu as entièrement raison à nouveau. Tout pouvoir, celui d’une direction (même collective) aussi.

 

En fait, mes interrogations que j’aimerais partager avec d’autres sont justement ces rapports entre virilité et pouvoir. Une fois bien entendu que la « marche vers l’égalité des sexes », la « suppression du genre », la « fin de la Domination masculine » — tous termes un peu équivalents —, font que des femmes accèdent aussi aujourd’hui au pouvoir. Qu’il me semble même noter chez certaines des signes de virilisme évident ! Autrement dit que la question des rapports entre virilité et pouvoir concerne principalement les hommes, mais pas qu’eux.

 

Mais commençons le débat sur les rapports entre hommes (personnes socialisées comme homme), virilité et pouvoir.

 

Certain-e-s expriment l’utopie d’une société sans pouvoir. J’aimerais partager cette utopie, mais je pense que la répartition du travail (en équipe ou ailleurs), la délégation temporaire ou durable de responsabilités me semblent incontournable. Doit-on être viril, faire preuve de virilité quand on exerce ce pouvoir ? Ou le pouvoir pousse t’il, par des mécanismes qu’il reste à préciser, à des attitudes viriles ou virilistes [on reprendra le distinguo entre ces deux termes plus tard] ? Comment distinguer Pouvoir et Virilité ? Peut-on commencer à faire l’état des lieux de la virilité ?

 

Autant de questions qu’il me semble important de poser. Pour comprendre bien sûr ! Mais pas que. Comment accompagner la marche vers l’égalité de genre ? Aurions nous vraiment gagné en confort de vie si tous, toutes et les autres adoptaient des schèmes virilistes d’action et/ou de pensée ? Ou à l’opposé si triomphait une théorie suicidaire où le sujet, quel-le qu’il/elle soit, n’avait plus le droit d’exister sous prétexte de sa position de « dominant » ?

 

Ouvrons donc les débats !

Et pour commencer intéressons nous aux hommes qui prennent de la distance sur la virilité.

Quelques questions en vrac :

Comment les hommes qui ont refusé la « virilité obligatoire » vivent et exercent le pouvoir ? Comment se manifeste leur mal-aise ? Comment font-ils ?

Et plus loin : quels sont les privilèges du pouvoir ? En dehors des énoncés concernant le salaire, des positions symboliques (toutes choses bien réelles), quelles situations ou interactions interrogent la virilité ?

 

Je suis bien sûr Caroline, preneur de tes réflexions.

 

Les tiennes ou celles de personnes qui aimeraient participer à ce débat.

Ecrivez moi vos réactions :

Dwl(a) univ-tlse2.fr

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1 octobre 2013 2 01 /10 /octobre /2013 04:18

 

 

2 livres à paraître printemps 2014

 

« La Putain et le Sociologue » ; édité à La Musardine (Paris) & Propos sur le sexe, édité chez Payot (Paris)

 

« La Putain et le Sociologue » ; édité à La Musardine (Paris)

Un travail de quatre années entre Albertine, escorte (de luxe), ingénieure du sexe, et Daniel Welzer-Lang, sociologue spécialiste des sexualités, auteur de plus d’une vingtaine d’ouvrages. Un écrit pour savoir et comprendre. Savoir ce qu’il en est réellement de ce « métier », les manières de faire commerce de ses prestations sexuelles, les pratiques utilisées, véritables savoir-faire particuliers. Mais aussi comprendre le sens et les effets sur Albertine du stigmate d’être « pute ».

 

Un libre qui permet de comprendre la place de « l’escorting » dans le travail du sexe, les transformations actuelles des prostitutions et le rôle que peuvent jouer les sociologues dans l’analyse de ces métiers, questions méthodologiques comprises

 

 

 

 

 

Propos sur le sexe, édité chez Payot (Paris)

« Ce livre concerne “le sexe”. “Le sexe” pour dire les sexualités, les arrangements de corps, les plaisirs des corps et des têtes. “Le sexe” pour expliciter cette sphère de l’activité humaine centrée sur les désirs, réels, virtuels, fantasmés, rêvés. La sexualité est un miroir du social, elle est significative des transformations de nos modes de vie, du bouleversement actuel des rapports entre les hommes et les femmes.

Je dirai donc tout le sexe. Celui des femmes, des homosexuels et des bisexuels, des trans et des queers. Celui des hétéros. Car c’est aussi de cela qu’il s’agit : des travestis de Sao Paulo aux libertins de Paris, ce livre raconte la fin possible de la norme hétérosexuelle. » (D. W.-L.)

 

 

 

 

 

 

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